Du Livre à l’IA

L’histoire secrète des pouvoirs qui façonnent l’humanité

Depuis quatre millénaires, l’humanité avance au rythme de ses technologies de la pensée.
Hier, le livre.
Aujourd’hui, l’intelligence artificielle.
Entre les deux, un fil rouge : la capacité d’un support à transformer la mémoire, la croyance, le pouvoir et la manière dont les sociétés se racontent.

Loin d’être un simple objet, le livre fut une révolution.
Loin d’être un simple outil, l’IA en est une autre.

I. Aux origines : quand les religions naissent du tissage des traditions

Les recherches historiques montrent que le judaïsme — souvent perçu comme le premier monothéisme structuré — n’est pas apparu d’un seul coup.
Il est le produit d’un long tissage de traditions plus anciennes.

1. Héritage cananéen : la matrice oubliée

Les populations israélites de l’âge du Bronze partagent avec les Cananéens :

leurs rites
leurs fêtes agricoles
leurs mythes
et même certaines divinités (El, Baal, Asherah)

Les textes bibliques les plus anciens en portent encore la trace.

2. Influences mésopotamiennes : le grand fleuve culturel

Les récits de la Genèse dialoguent avec :

l’Épopée de Gilgamesh (déluge)
l’Enuma Elish (création)
les lois d’Hammurabi

L’exil à Babylone (VIᵉ siècle av. J.-C.) joue un rôle décisif :
c’est là que les élites juives réécrivent, compilent et théologisent leur histoire.

3. Le moment décisif : le Livre comme sanctuaire portable

Après la destruction du Temple, une idée révolutionnaire apparaît :

Si le Temple peut être détruit, le texte, lui, peut être recopié.

La Torah devient un sanctuaire mobile.
Une religion peut désormais survivre sans territoire.

II. Le livre : la première grande technologie du pouvoir

Pendant des millénaires, le livre n’est pas seulement un support :
c’est une infrastructure cognitive.

Il permet :

de fixer la mémoire
de diffuser un message
d’unifier un peuple
de légitimer une autorité
de résister aux empires

Les religions monothéistes l’ont compris très tôt.

1. Le judaïsme : une identité reconstruite par le texte

Le Livre devient le cœur de la religion.
Il remplace le Temple.
Il devient la loi, l’histoire, la mémoire.

2. Le christianisme : un mouvement qui devient religion grâce à l’écrit

Les Évangiles et les lettres de Paul transforment un mouvement local en religion universelle.

3. L’islam : une religion qui naît directement comme religion du Livre

Le Coran est fixé très tôt, mémorisé, récité, recopié.
Le texte devient la preuve, la norme, l’autorité.

III. L’IA : la nouvelle révolution cognitive

Aujourd’hui, une autre technologie bouleverse l’humanité :
l’intelligence artificielle.

Comme le livre en son temps, l’IA :

externalise la pensée
démocratise le savoir
accélère l’apprentissage
unifie des communautés dispersées
transforme la manière dont on crée, transmet et interprète

Mais elle va plus loin :
elle répond.

Le livre fixait la pensée.
L’IA la prolonge.

1. Un instrument d’évolution

L’IA peut devenir :

un amplificateur de créativité
un égalisateur cognitif
un médiateur entre cultures
un outil d’éducation universelle
un compagnon de réflexion

Elle peut offrir à chacun ce que seuls les lettrés possédaient autrefois.

2. Un instrument de manipulation

Mais comme le livre, l’IA peut aussi être :

orientée
censurée
instrumentalisée
utilisée pour influencer
utilisée pour surveiller

La différence ?
La personnalisation.
L’IA peut influencer individuellement, subtilement, en continu.

C’est là que réside le risque.

IV. Du Livre à l’IA : un même combat pour la liberté de penser

Le livre a libéré l’humanité autant qu’il l’a disciplinée.
L’IA peut faire de même.

La question n’est pas :
“L’IA est-elle bonne ou mauvaise ?”
mais :
“Qui la contrôle ? Comment ? Pour quoi faire ?”

Comme le livre, l’IA peut :

éclairer ou aveugler
libérer ou enfermer
unifier ou diviser

Nous sommes à un carrefour historique.

Conclusion : l’humanité face à son nouveau miroir

Le livre a donné naissance aux religions, aux sciences, aux révolutions.
L’IA pourrait donner naissance à une nouvelle manière de penser, de créer, de débattre, d’apprendre.

Mais comme toujours, la technologie n’est qu’un miroir.
Elle amplifie ce que nous sommes.