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La civilisation dite “judéo‑chrétienne”

civilisation judéo‑chrétienne

Origine, définition, évolution

La notion de civilisation judéo‑chrétienne occupe aujourd’hui une place centrale dans les discours politiques, médiatiques et identitaires. Pourtant, son histoire est complexe, et son usage contemporain souvent éloigné de ses racines historiques. L’expression, loin d’être neutre, est un objet culturel et idéologique en constante transformation.

 1. Origine historique : un concept récent pour désigner un passé ancien

Le judéo‑christianisme antique

Historiquement, le terme judéo‑christianisme désigne d’abord un phénomène très précis :
les premiers chrétiens d’origine juive, qui continuaient à observer la Loi mosaïque tout en reconnaissant Jésus comme messie.

Ces groupes — parfois appelés ébionites ou nazôréens — ont existé surtout aux Ier‑IVe siècles, avant de disparaître progressivement en Occident.

Un terme réinventé au XIXe siècle

L’expression civilisation judéo‑chrétienne n’apparaît réellement qu’à la fin du XIXe siècle, dans les milieux intellectuels européens.
Elle sert alors à désigner un héritage moral et biblique commun aux Juifs et aux chrétiens, fondé sur la Bible hébraïque et l’Ancien Testament.

2. Définition : un concept culturel plus qu’historique

Aujourd’hui, l’expression est utilisée pour désigner :

Un socle moral et spirituel commun
  • monothéisme
  • valeur de la personne humaine
  • importance de la loi et de la justice
  • héritage biblique partagé
Une construction idéologique

De nombreux historiens soulignent que l’expression est souvent un outil politique, mobilisé pour définir l’identité européenne ou occidentale, parfois en opposition à d’autres cultures (notamment l’islam).

L’historienne Sophie Bessis rappelle que cette notion peut être instrumentalisée pour créer une vision homogène et simplifiée de l’histoire européenne.

3. Évolution : d’un héritage religieux à un marqueur identitaire

Antiquité : séparation progressive entre judaïsme et christianisme

Au IIe siècle, les Romains parlent d’un tertium genus pour désigner les chrétiens, perçus comme un groupe distinct des Juifs et des païens.
La rupture théologique et sociale entre judaïsme et christianisme s’accentue ensuite.

Moyen Âge : une Europe chrétienne, mais pas “judéo‑chrétienne”

L’expression serait anachronique pour cette période :
l’Europe médiévale est chrétienne, et souvent hostile au judaïsme.

XIXe‑XXe siècles : naissance du mythe d’un héritage commun

Avec la modernité, la sécularisation et les débats sur l’identité européenne, l’idée d’une civilisation “judéo‑chrétienne” se développe pour :

  • souligner un héritage biblique partagé
  • réconcilier symboliquement deux traditions longtemps opposées
  • construire un récit commun face à la modernité ou à d’autres cultures
XXIe siècle : un terme omniprésent mais controversé

Aujourd’hui, l’expression est :

  • revendiquée par certains responsables politiques comme fondement de l’identité européenne
  • critiquée par des historiens qui y voient une simplification ou une instrumentalisation idéologique
  • réinterprétée par des penseurs chrétiens comme un héritage spirituel profond et indéniable

4. Une notion utile… si l’on accepte sa complexité

La civilisation dite “judéo‑chrétienne” n’est pas une réalité historique simple, mais une construction culturelle évolutive.
Elle peut être comprise comme :

Un héritage religieux réel

La Bible, la morale, la vision du monde issues du judaïsme et du christianisme ont profondément façonné l’Europe.

Un récit identitaire moderne

L’expression sert souvent à définir ce que serait “l’Occident”, parfois de manière inclusive, parfois de manière excluante.

Un concept à manier avec nuance

Les historiens rappellent que les relations entre Juifs et chrétiens furent longtemps marquées par la séparation, la méfiance ou la persécution — ce qui rend l’idée d’une continuité harmonieuse discutable.

Conclusion

La “civilisation judéo‑chrétienne” n’est pas un fait historique figé, mais un récit culturel qui évolue selon les époques et les besoins sociaux.
Elle renvoie à un héritage biblique réel, mais aussi à une construction idéologique moderne, mobilisée pour penser l’identité, la morale ou la politique.

L’enjeu, aujourd’hui, est de comprendre cette notion dans toute sa complexité, sans la réduire ni la sacraliser.

L’allégorie de la lumière sans forme

Il n’y a plus de sol.
Il n’y a plus de ciel.
Il n’y a que des fragments suspendus dans une brume dorée.

Le rouleau de Torah ne repose sur rien — il flotte, comme une mémoire qui n’a jamais été écrite.
La croix ne s’élève pas — elle est déjà là, comme une intersection entre deux souffles.
La Bible est ouverte, mais ses pages ne contiennent aucun mot — seulement des reflets.

Notre-Dame n’est plus une cathédrale.
Elle est une silhouette de pierre qui rêve d’être nuage.
La Grande Synagogue n’est plus un édifice.
Elle est une spirale de fenêtres qui s’ouvrent sur l’intérieur.

Et entre tous ces signes, une lumière circule.
Pas une lumière qui éclaire.
Une lumière qui relie.
Elle ne vient de nulle part.
Elle ne va nulle part.
Elle est ce qui reste quand tout a disparu.